Rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie : guide complet

Qu’est-ce que la clause bénéficiaire ?

Certains produits financiers ont un fonctionnement spécifique au regard de la succession : c’est le cas de l’assurance-vie et du Plan d’Epargne Retraite si ce dernier est de type assurantiel.

En effet, au décès de l’assuré-souscripteur de ces produits, les sommes présentes sur le contrat ne font pas partie de la succession. Elles ne sont pas versées aux héritiers, mais aux personnes (physiques ou morales) désignées dans la clause bénéficiaire attachée au contrat.

Selon les termes de l’article L132-12 du Code des assurances

Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré.

La clause bénéficiaire est donc un outil indispensable pour préparer la transmission de son patrimoine, encore faut-il savoir le manier.

Bien rédiger la clause bénéficiaire de ses contrats

La clause bénéficiaire doit être rédigée avec soin et tenue à jour régulièrement, car le manque de précision peut occasionner des situations non souhaitables : 

  • sommes versées à “la mauvaise personne” (ex : ex-conjoint divorcé dont le souscripteur est séparé depuis longtemps),
  • versements qui excluent des personnes (ex : sommes versées aux petits-enfants connus du souscripteur au jour de la rédaction, mais excluant ceux nés après la rédaction car la clause n’a pas été tenue à jour),
  • réintégration des sommes dans l’actif successoral, faisait perdre les avantages fiscaux liés à la transmission via l’assurance-vie…

Exemples de clauses bénéficiaires

Afin d’aider les souscripteurs à rédiger leur clause bénéficiaire, les assureurs ont créé des clauses standard, dont la plus courante est : 

Mon conjoint ou partenaire de PACS, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, à défaut mes héritiers.

Cette clause est intéressante car elle définit un ordre de distribution : on parle de clause bénéficiaire successive. Nous vous conseillons toujours de procéder ainsi.

Toutefois, cette clause est souvent trop générale pour traiter tous les cas particuliers, et nous vous conseillons de l’ajuster.

Clause avec répartition

Vous pouvez aussi inclure des répartitions. Le plus simple est de préciser “à parts égales”, mais vous pouvez aussi exprimer des pourcentages : 

Par exemple : 

Mon conjoint ou partenaire de PACS à hauteur de 60% et mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, à hauteur de 40% répartis à parts égales entre eux,

À défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés à hauteur de 100%, répartis à parts égales entre eux,

À défaut mes héritiers.

Les réparations en montant sont possibles, mais vivement déconseillées, car vous ne connaissez pas la valeur de votre contrat au moment du décès !

Clause à option

Enfin, la clause bénéficiaire à option laisse des choix au bénéficiaire. C’est généralement un bon choix lorsque l’on désigne le conjoint survivant et que l’on a des enfants ou petits-enfants. En effet, avec une espérance de vie autour de 80 ans, il est possible que votre conjoint n’ait pas forcément besoin de tout l’argent sur le contrat. 

Pour lui épargner le mécanisme d’encaissement des sommes suivi d’une donation et éviter les frottements fiscaux, vous pouvez lui permettre de transmettre aux descendants (ou à tout autre tiers).

Vous devez alors préciser : 

  • les quotités de capital proposées au bénéficiaire qui devra faire le choix, exprimées en pourcentage,
  • le délai imparti (en général 3 mois) laissé au bénéficiaire pour faire connaître son choix à l’assureur,
  • le sort du capital décès en cas d’absence de choix, ou de prédécès. L’usage est alors de désigner les bénéficiaires qui auraient recueilli l'éventuelle quotité restante.

Voici un exemple : 

  • Mon conjoint, qui devra opter pour l’une des quotités suivantes : 100%, 75%, 50%,  25%, 0% dans les 3 mois à compter du jour de mon décès,
  • À défaut, il se verra attribuer la totalité du capital,
  • En cas de prédécès de mon conjoint, ainsi que pour l’éventuelle part non attribuée au conjoint : mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, à part égales entre eux,
  • A défaut, mes héritiers.

Compte tenu de la complexité de cette clause, il est conseillé de vous faire conseiller par un notaire.

Gardez en tête qu’il est toujours possible pour un bénéficiaire de renoncer au bénéfice de l’assurance-vie (tout bénéficiaire a toujours une option implicite à 0%). L’assureur recherchera alors les bénéficiaires de second rang. Cela peut être fiscalement avantageux au sein d’une famille, car on hérite de plus en plus tard…

Désigner par qualité : quelques conseils

Vous pouvez désigner des bénéficiaires par qualité plutôt que nominativement. Dans ce cas, c’est la personne qui aura la qualité au jour de la garantie (lors du décès) qui sera désignée.

C’est un bon moyen d’avoir une clause qui s’adapte automatiquement aux changements de vie : cela évite d’oublier de la modifier. 

Voici quelques points d’attention.

La notion de conjoint

Seul le mariage donne la qualité de conjoint, pas le PACS. L’usage est de préciser “Mon conjoint ou partenaire de PACS”.

En cas de dissolution du mariage ou du PACS, s’il n’y a pas eu de remariage ou de nouveau PACS, la désignation devient caduque et, si aucune autre personne n’est désignée, les sommes retournent dans l’actif successoral.

Enfin, vous pouvez préciser conjoint non séparé ou non séparé juridiquement. Cela traite le cas où un divorce est en cours mais n’a pas encore été prononcé.

Les enfants

Pour une répartition équitable entre enfants, l’usage est de préciser “Mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés”.

  • Nés ou à naître : cette précision permet d’inclure les enfants dont le souscripteur n’aurait pas connaissance au moment de la rédaction.
  • Vivants ou représentés : dans l’hypothèse du décès de l’un des enfants, la représentation permet aux enfants du bénéficiaire décédé d’obtenir la part qui aurait dû revenir à leur parent. En effet, la représentation ne se présume pas : sans cette précision, le capital ne serait réparti qu’entre les enfants survivants.

Les héritiers comme choix par défaut

Le fait d’ajouter “à défaut, mes héritiers” constitue aussi une désignation indirecte et évite que les sommes reviennent dans l’actif successoral. Certes, ce sont les héritiers qui les toucheront avec ou sans cette clause, mais elle permet la transmission dans le cadre fiscal de l’assurance-vie, plus avantageux que le régime général des successions. On parle de “clause de sauvegarde”.

À savoir : si vous n’avez pas d’enfants, vos héritiers sont vos parents (50%) et vos frères et sœurs (50% répartis à parts égales).

Personnes morales

Vous pouvez aussi désigner des personnes morales comme bénéficiaires : association, fondation d’utilité publique ou non, entreprise quel que soit son statut (SA, SARL, SCI, etc), mais aussi collectivité territoriale, région, commune, l’État…

Comme pour les bénéficiaires physiques, désignez clairement le bénéficiaire et prévoyez une alternative en cas de disparition, de fusion ou de changement de dénomination de votre bénéficiaire personne morale.

Modifier la clause bénéficiaire

Il est possible de modifier la clause bénéficiaire autant de fois que nécessaire, tout au long de la vie d’un contrat (hors cas d’acceptation).

La procédure est définie par l’assureur : courrier simple, courrier recommandé, formulaire sur le site internet…

Clause bénéficiaire et acceptation du contrat

Les bénéficiaires peuvent accepter un contrat. 

Avec cette démarche, ils bloquent leur présence dans la clause bénéficiaire, vous empêchant d’en changer sans leur accord, sauf rares exceptions (nouveaux enfants dans le foyer, mise sous tutelle ou curatelle, maltraitance, et aussi… tentative de meurtre).

En outre, une fois un contrat accepté, vous ne pouvez plus réaliser de rachat partiel ou total, demander d’avance, ou nantir le contrat sans leur accord. En d’autres termes, l’acceptation consolide le droit du bénéficiaire sur le contrat, qui devient définitif et irrévocable.

Compte tenu des implications fortes de l’acceptation, la loi a changé en 2007. Désormais, l’acceptation d’un bénéficiaire doit recevoir l’accord du souscripteur pour être valide.

L’acceptation peut se faire : 

  •  par un avenant signé de l'assureur, du souscripteur et du bénéficiaire, ou
  •  par acte notarié ou sous seing privé ou authentique, signé par le souscripteur et le bénéficiaire, notifié par écrit à l’assureur.

Elle est irrévocable.

Attention : nul besoin d’avoir accepté un contrat pour toucher l’argent au décès ! L’acceptation (ou la renonciation) se fait généralement après le décès.

Clause bénéficiaire et abus de faiblesse

Du fait de leur situation de pouvoir ou d’influence, certaines personnes (par exemple les membres des professions médicales ayant eu le souscripteur comme patient proche de sa fin de vie) ne peuvent être désignées bénéficiaires, sauf cas particuliers (c’est l’article 909 du Code civil).

En effet, la désignation des bénéficiaires n’est valide que si l’assuré dispose d’une parfaite conscience de l’acte accompli au moment de la désignation.

Dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de Cassation a rappelé ce principe en ces termes :
« … dans l’assurance-vie, l’assuré peut modifier jusqu’à son décès la répartition du capital entre les bénéficiaires, dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d’une manière certaine et non équivoque… ».

Un abus de faiblesse peut donc apparaître quand une personne incite l’assuré à modifier sa clause bénéficiaire, soit pour se désigner bénéficiaire, soit pour désigner un tiers complice.

Ce sont aux héritiers de se manifester s’ils estiment qu’il y a eu abus de faiblesse. L’existence de l’abus est alors laissé à la libre appréciation des Tribunaux qui statueront selon :

  • l’état de vulnérabilité chez la victime (âge, maladie, déficience, même grossesse), connue de l’auteur présumé de l’abus, qui empêchait la victime d’apprécier la portée de ses actes ou de déceler la manipulation psychologique entreprise pour la convaincre,
  • la présence d’une contrainte physique ou morale.

En cas d’abus, les sommes pourront être qualifiées de donation, ou réintégrées dans la succession.

Quant à l’auteur de l’abus de faiblesse, il encourt amende et peine de prison.

Clause bénéficiaire et testament

La clause bénéficiaire n’est pas un testament : le testament concerne la succession, tandis que la clause bénéficiaire permet justement une transmission hors succession.

Il est donc possible de désigner des personnes différentes dans une clause bénéficiaire et dans un testament.

Néanmoins, il est aussi possible de faire référence au testament dans une clause bénéficiaire. Vous pouvez par exemple désigner comme bénéficiaires les personnes ayant la qualité d’héritiers désignés dans votre testament. Veillez cependant à tenir votre testament à jour !

Démembrement de clause bénéficiaire

Le démembrement est une technique qui consiste à séparer l’usufruit et la nue-propriété d’un bien.

En matière d’assurance-vie, le démembrement de clause bénéficiaire consiste désigner : 

  • une personne (en général votre conjoint) usufruitière de votre contrat
  • une ou plusieurs autres personnes (en général vos enfants) nu-propriétaires de votre contrat. 

À votre décès, l’usufruitier percevra l’intégralité du capital-décès du contrat.

À son décès, le capital reviendra aux seconds, qui disposeront alors d'une créance de restitution sur la succession du premier bénéficiaire de votre assurance-vie. Ils pourront prélever sur la succession une somme équivalente au capital-décès sur l’actif successoral, en totale franchise de droits de succession (la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété pour former la pleine propriété n'étant pas imposable).

Cette technique complexe permet notamment de transmettre en plusieurs étapes, sur une ou deux générations. Elle permet aussi de favoriser les enfants nés d’un premier lit dans les familles recomposées, mais compte tenu de sa complexité, doit être entreprise avec l’aide d’un professionnel tel qu’un notaire, un avocat ou un conseiller en gestion de patrimoine expert de ces sujets.

N’oubliez pas que des clauses peu claires peuvent entraîner la réintégration dans la succession, ou pire l’entrée du contrat en déshérence si l’assureur peine à retrouver les bénéficiaires.