Yomoni : investissez mieux !

La Bourse bat actuellement des records, alors qu’il y a trente ans, Wall Street perdait 25 % en un jour, au terme de ce qui a ensuite été appelé le « lundi noir » ! C’était le krach d’octobre 1987, une dégringolade spectaculaire qui est entrée dans les annales pour avoir été l’une des crises boursières les plus violentes. La troublante coïncidence avec le krach d’octobre 1929, fait qu’il est désormais de coutume de parler de crise à chaque mois d’octobre. Ne dérogeons pas à la règle pour vous livrer un scoop : une autre crise financière aura lieu, c’est certain. Quant à prévoir quand cette crise adviendra, c’est une autre histoire, que nous laissons — pour l’instant — aux spécialistes du sensationnel.

Des crises inévitables

Tout d’abord de quoi parle-t-on ? On se souviendra du « cycle du porc » enseigné aux étudiants en économie. Ce cycle montre comment les producteurs « rationnels » réagissent à une hausse des prix par une hausse de leur cheptel, pour, quelques mois plus tard — une fois les porcs devenus adultes — offrir une quantité abondante de bêtes. C’est ce comportement collectif face à l’incertitude du futur qui aura pour effet de faire baisser les prix, et de relancer le cycle par une baisse de la production. L’impact du cycle devient crise pour la collectivité, par un effet de contagion. Par exemple, si les producteurs se sont financés auprès d’autres acteurs, par l’intermédiaire de prêts obtenus auprès de banques, ou ont poussé leurs fournisseurs à s’équiper pour anticiper une demande accrue durable, « contaminant » ainsi d’autres secteurs. En bref, les crises peuvent se résumer au retour sur terre d’anticipations trop optimistes (ou trop pessimistes), ayant modifié les décisions de production et de financement simultanément pour un grand nombre d’agents économiques synchronisés.

Les crises financières semble être vieilles comme le monde. On retrouve leur trace dès l’antiquité. Les Egyptiens ont eu à connaître les surprises des cycles économiques, puisque l’Ancien Testament nous parle déjà des cycles de « vaches grasses » suivies par celui des « vaches maigres ». On sait précisément que les Romains ont connu une série de crises aux relents très modernes, puisqu’il s’agissait d’une crise du crédit en 33 (où les banques furent re-financées par le Trésor Impérial avec des prêts à taux zéro), et de crises de finances publiques au IIIe siècle, lorsque le financement des retraites des militaires mettaient l’Etat en situation de banqueroute. La récurrence historique ne fait pas office de preuve de sa répétition future. En revanche, elle montre qu’il n’existe pas d’origine morale, de faute à expier, mais simplement que de tout temps, les événements se sont succédés naturellement pour qu’à un certain moment, les anticipations collectives « rationnelles » deviennent trop éloignées de la réalité qui se fait jour. Un retour à un équilibre entre les prix des biens physiques ou des actifs financiers et les quantités réelles (offre, demande et stocks) n’est alors atteignable que par un ajustement brutal : une crise, proportionnelle au degré de synchronisation présent dans une économie.

Un principe de contagion

Les crises ne sont donc pas une innovation des Temps Modernes, certes, mais leur fréquence tend à augmenter, comme le montre sur 500 ans, le graphique ci-dessous. Pourquoi semblent-elles plus fréquentes et d’ampleur plus globale ? Doit-on donner raison au lieu commun d’une finance devenue folle ?

Notre lecture — à partir d’une perspective de long terme — est différente, et nous rapprochons les crises financières des grandes épidémies, pour illustrer notre propos. Les épidémies sont généralement issues de bactéries infectieuses (peste), ou de virus (grippe porcine ou aviaire, Sida), qui ont muté en une forme inédite et dont la vitesse de propagation est proportionnelle à la taille des populations, leur densité, et leur mobilité. On retient pour l’exemple quatre épisodes parmis les plus funestes.

  • Au XIVe siècle, la peste noire arrive avec le commerce d’Orient qui a rapporté au Moyen Orient et en Europe, la bactérie Yersinia Pestis. Elle décima 30 % de la population de ces régions, et plus de 50 % de leurs citadins.
  • La variole, quant à elle arrive en Amérique du Sud au XVIe avec les Conquistadors pour ravager les populations autochtones non-immunisées — et déjà bien martyrisées.
  • En 1918-19, la grippe espagnole, qui est probablement une grippe porcine provenant en fait de Chine, fait plus de victimes que la Grande Guerre.
  • Enfin, de nos jours, l’épidémie de Sida continue de meurtrir l’Afrique, après 40 ans de contagion mondiale.

L’émergence de grandes épidémies est concomitante à des périodes de mondialisation et de booms démographiques. Ce qui indiquerait — par analogie — que les crises financières se diffusent avec la collaboration accrue des agents économiques dans nos sociétés avancées, d’une part, et avec l’intégration financière mondiale d’autre part. En premier lieu, au sein des sociétés, il y a plus d’agents qui s’influencent entre eux (i.e. peu de gens vivent en autarcie) et ce qui n’était que des crises locales — probablement peu documentées — devient, par contagion et porosité, des phénomènes mondiaux. De cette analogie, on retiendra aussi que les crises se diffusent du centre vers la périphérie. Ainsi, les épidémies arrivaient très souvent de Chine (et parfois d’Europe), la zone la plus peuplée, comme les crises financières proviennent aujourd’hui des Etats-Unis, le centre économique mondial.

Il va donc bien falloir s’habituer à la récurrence des crises, car l’intégration financière mondiale n’est pas interrompue, elle se poursuit même, notamment avec l’ouverture progressive des marchés financiers chinois. Par ailleurs, il est louable de penser qu’une « moralisation » de la finance suffirait à éradiquer les crises, mais c’est du même ordre que de combattre les épidémies biologiques par la prière et la vertu, sous prétexte qu’elles seraient châtiments divins. Tordons au passage un lieu commun normatif trop répandu : l’hygiène des Chinois (ou des Européens) des siècles passés, n’est pas plus la cause des grandes épidémies mondiales que le mode de vie des Américains n’est à l’origine des crises financières mondiales.

On sait que les épidémies ont baissé progressivement en intensité et en récurrence, grâce aux avancées scientifiques, à l’information sur les flux de transmission, à de meilleures conditions et précautions sanitaires, ainsi qu’à une immunisation des survivants. Les règles prudentielles comme le confinement, la quarantaine, etc. n’ont jamais eu qu’un impact temporaire, et il est assez peu probable que les humains soient devenus plus vertueux.

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Le crédit, un vecteur de crises

Depuis cinquante ans, soit depuis la fin du système monétaire issus des Accords de Bretton-Woods, les crises financières sont plus fréquentes et souvent de même nature. Elles sont pour la plupart liées à des cycles de crédit, qui enflent puis périclitent en ayant un fort impact sur les actifs financiers. Il se propage l’idée que l’abolition de l’étalon-or en 1971 (i.e. la convertibilité possible entre monnaie et or physique établi par Bretton-Woods), permet désormais une création monétaire discrétionnaire plus importante, puisqu’elle n’est pas limitée par une quantité physique. Quand celle-ci devient involontairement pro-cyclique, cad. qu’elle stimule une économie déjà en expansion, elle alimente un cycle financier qui atteint des amplitudes plus grandes, et dont les conséquences sont plus brutales, lorsqu’il se contracte. Cette hypothèse commence à faire son chemin dans les milieux universitaires et devrait probablement alimenter un prochain débat sur la gouvernance des Banques Centrales. Cette hypothèse présage aussi de crises fréquentes dans le système monétaire actuel.

Ce qui ne tue pas, rend plus fort

Face aux crises à venir, on retiendra deux notions, pour guider l’épargnant de long-terme :

  • Il faut se préparer. L’arrivée d’une crise est certaine, pas probable. Comme les orages en été, une crise éclatera inévitablement. L’épargnant de long-terme doit être prêt à supporter des pertes financières temporaires — voire permanentes — liées à son placement. On ne part pas en bateau au long-court, si on ne supporte pas la tempête. On le répètera donc ad nauseam s’il le faut, mais la diversification par région et par classe d’actifs reste le meilleur rempart au chaos des marchés.
  • Il faut en tirer profit. L’expérience d’une crise nous renforce, comme les épidémies renforcent notre système immunitaire. Il ne faut pas vivre dans la crainte permanente d’une crise, s’enfermer dans une cave isolée du monde de peur de la maladie. Ce n’est ni une punition divine, ni un drame absolu, car ici il n’est nulle question d’y perdre la vie. À condition d’en sortir relativement indemnes par une préparation adéquate, c’est une expérience qui fera de chacun des épargnants plus aguerris, et plus performants. Ce sera éventuellement une source d’opportunités pour les plus audacieux, comme en 1815, où la panique financière au lendemain de Waterloo fit la fortune du Baron Nathan de Rothschild.
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